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Eny Roland Hernandez, le photographe de la critique

Eny Roland Hernandez
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Adepte de la Street Photography, Eny Roland Hernandez, un photographe du Guatemala qui n'a pas peur de la critique et qui expose ses photographies sur les murs de la ville.

Eny Roland Hernandez est entré dans le monde de la photographie digitale presque par accident. Ce n’est qu’à 27 ans, au cours de ses études en Sciences de la communication, qu’il entre en contact avec ce moyen de communication.

Après avoir travaillé dans une ONG guatémaltèque et dans différents journaux comme le journal « Siglo 21 » dans la section culturelle, il pénètre dans un monde inconnu, celui des portraits. En fait, Eny était centré davantage dans la Street Photography, car plus distante. Il était un voleur d’images de vie. Il expose ses premières photographies et a la chance de connaître un curateur mexicain, Irving Dominguez , lors d'un atelier. Il lui fait découvrir une histoire de l'art et les opportunités offertes par l’usage de la photographie. L'esthétique n’était pas la seule façon d'exprimer des émotions. Comme le dit lui-même Eny « L’art était une fenêtre pour partager à travers des thèmes, des sujets représentés de manières variées des opinions incalculables. »

Intrigué par l'utilisation du portrait, « une rencontre », comme il le définit, lors de mises en scène d’artistes guatémaltèques pendant plusieurs interviews, il souhaite développer cette pratique.

Les galeries guatémaltèques, à cette époque, étant peu ouvertes à exposer de jeunes et inconnus artistes, il réalise avec des amis artistes des expositions alternatives. Chacun présente une œuvre sur un thème défini à l’avance. Ce sera la religion. Au fur et à mesure qu’évolue cette initiative, une série sur les Saints appelée « Fabrica de Santos » prend forme. Avec des photographies à l’ambiance « kitsch » immergées dans les couleurs et les détails luxuriants, il manifeste l’inauthenticité, les surcharges et le « mauvais goût » parfois de façon condescendante ou plus humoristique. Les portraits de Saints inventés et vénérés (San Simon Narco), quelquefois par les trafiquants établis comme modèles, se rapportent au mouvement de narcocorrido. Pas vraiment une culture étrangère dans un pays qui célèbre la fête des Morts sans honte.

Dans une autre série appelée « Dulce mortificacion », il établit une critique de la religion catholique qu'il connaît bien ayant été éduquée dans une école catholique et militaire. Dans cette série, il expose le Guatemala culturel et religieux. Il exprime cette domination des croyances « imposées » avec la création perpétuelle de Saints de l’église. Il décide donc par ce travail de jouer la carte de la publicité religieuse. Chaque photographie aborde un sujet différent, avec élégance et douleur comme si la seule façon autorisée par la religion catholique pour atteindre le subliminal devait être par la souffrance.

Dans ses créations, Eny mélange les personnalités religieuses au graphisme de la société contemporaine. Les fresques anciennes sont confrontées à la vision d’Eny portée par un nouveau réalisme. Ses photos sensuelles et sexuelles représentées par de jeunes hommes font écho de son orientation sexuelle, un sujet tabou pour l'église. Ses photos sont une passerelle permettant un dialogue entre la créativité et la spiritualité. Il nous rappelle aujourd'hui que la création artistique est autonome, libre de toute institution supérieure. L’Art s’est émancipé de la matrice religieuse. Dans le travail d’Eny, l'expérience esthétique est impliquée dans la recherche de la démystification de la foi.

La religion n’est pas la seule question abordée par ce jeune photographe. En effet, dans une autre série appelée « El Convite » il photographie des individus déguisés en personnages de dessins animés de la culture mondiale. Auparavant « El Convite » était une tradition où les gens s’habillaient en personnages de la vie quotidienne (un vendeur de tortillas, un boulanger...). Aujourd’hui, c’est un Carnaval vulgaire. Les personnages de Hollywood de Disney sont les nouvelles « identités » de ce monde traditionnel. Il met en scène ces « marionnettes » dans des lieux de la ville hors de tout contexte. Dans ce travail, il critique l’universalisme et appelle à une « résistance » du folklore. C’est une esthétisation de la marchandisation. Une satire de l'époque contemporaine.

Depuis un certain temps, Eny s’éloigne de la photographie en couleur. Avec la série « Portraits sans visage » ses photographies en noir et blanc, pleines d'impuissance et de tristesse ne se limitent pas au portrait comme nous l’entendons. Toujours sensuels, intimes, tourmentés, déformés, les corps deviennent une nouvelle représentation. Les modèles paraissent des êtres réels imaginaires, héros mythologiques contemporains, reconnaissables à leurs attributs (tatouages...). Ces « Portraits sans visage » anonymes, dépersonnalisés marquent la fragilité et l'ambiguïté de la personne. C’est le pouvoir de la photographie d’Eny Roland Hernandez . Elles évoquent une certaine absence de la personne, une certaine liberté. Miroir social ou miroir de l'âme?

Avec un style coloré, il dénonce la légèreté d'une société bloquée entre la religion et de la consommation. Il nous plonge dans un univers satirique mélangeant la religion et le politique.

Eny confirme la tendance du portrait contemporain appliqué dans le domaine photographique. Au lieu de visages uniques, glorifiés, ils sont une multitude d’identités. « Portraits sans visage » est un travail où le mouvement lent de la disparition capture des portraits passagers. La figure humaine disparaît. Eny déconstruit le portrait traditionnel effaçant le visage de la personne représentée. Il détruit le culte de la personnalité par cette présentation provocatrice et angoissée.

N’ayant pas la possibilité de montrer son travail dans les grandes galeries de Guatemala, il a décidé, à la manière de JR, d’exposer ses photographies sur les murs de la ville. Il reconstruit ses photos en utilisant des photocopies, plus économiques. Il veut ouvrir « l'esprit » d'une population insensible aux valeurs culturelles authentiques et avide de divertissement. Dans ce nouveau travail, ce ne sont plus des icônes religieuses, mais des portraits d'anonymes, et même de chiens. Bien que ceci soit dédié à un public plus large, Eny dit qu'il ne se soucie pas de ce que les gens pensent. « Aucun Guatémaltèque ne te dira directement ce qu’il pense. Il n'y a aucune critique valable et construite au Guatemala ». Toutefois, il a reçu des messages de menace. Cela ne l’arrête pas. Il veut continuer à photographier sa version de la religion en y intégrant des éléments païens, mais aussi de la société en utilisant des interventions numériques avec l'aide d'autres artistes pour casser les codes établis.

En conclusion, la photographie pour Eny n'est pas un but en soi, mais un outil de la revendication et de défi. Avec un style coloré, il dénonce la légèreté d'une société bloquée entre la religion et de la consommation. Il nous plonge dans un univers satirique mélangeant la religion et le politique.

Site officiel de Eny Roland Hernandez : enyrolandfoto.blogspot.ca

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